L'ouroboros du soir

Atelier d'écriture

Contraintes : Utiliser les deux combinaisons (construites au hasard) "mot-phrase" suivantes pour inspiration :

- Soir. Dans la boîte à gants mon ange.
- Ouroboros. Quelques heures plus tard, à 75km de là.
Durée : 25 minutes.

***

Il aurait fallu que ce soit un soir de brume, aux longues et denses volutes blanchâtres telles qu'on en trouve dans la lande anglaise lorsque le frog abat sa chape. Mais Sophie n'avait droit qu'à une claire nuit d'été où la lune projetait de pâles rayons sur la route.

Un hangar d'où provenaient des notes assourdies la rassura : elle était sur la bonne route. Elle jeta un coup d'oeil à sa montre : 3h00 du matin. Son zozo ne devrait plus être loin.

Une tâche claire au loin confirma ses espoirs. Un homme marchait sur le bord de la route, chemise blanche, pantalon à pinces et chaussures de ville. Il avait l'air d'avoir tout juste dix-huit ans. Le clubber rentrait de boîte... Comme prévu.

La voiture s'arrêta dans un léger crissement de freins :


- Besoin d'un taxi beau gosse ?

Surpris, il se baissa à la fenêtre et la regarda. Ou plutôt, il regarda son décolleté.

Poisson ferré, pensa-t-elle.

- Ouais... Ouais, ça serait cool !
- Allez, grimpe !

Une fois la portière fermée, elle redémarra la voiture. Elle le voyait du coin de l'oeil lorgner sur ses jambes et sa mini-jupe.

- Alors ? On rentre de boîte ? Lui demanda-t-elle.
- Ouais, petite soirée entre potes...
- On dirait que ça n'a pas choppé des masses ce soir, dit-elle avec un sourire en coin.

Il rit, d'un rire idiot qui la fait grincer des dents.

- Ben ouais, dur de chopper sans caisse pour ramener la nana !
- T'as pas de caisse ?
- Plus maintenant... Ma vieille veut plus que je prenne la voiture...
- Oh, toi t'as cartonné la voiture de maman !
- Ouais, l'an dernier.
- Pas trop grave ?

Il rit de nouveau, toujours de ce même rire gras et insupportable.

- Bof, j'avais un peu bu... Me rappelle plus trop... J'ai rien eu, c'est l'essentiel.

Elle rit à son tour... Mais si le jeune homme avait été moins attiré par les formes féminines de Sophie, peut-être aurait-il noté la différence de registre.

- Tu me plais Anthony... Tu me plais vraiment beaucoup...
- J'dois avouer que t'es pas mal non plus...
- Regarde dans la boîte à gants mon ange...
- Okay...

Il se pencha en avait, séduit par la voix pleine de promesses voilées, posa la main sur le loquet et l'ouvrit. Il plongea la main dedans tout en disant :

- Mais au fait... J't'avais donné mon prénom ? J'me souviens p...

La fin de sa phrase mourut sur ses lèvres tandis qu'il sortait une photo de la boite à gants. Dessus, une petite fille souriait de toutes ses dents. Ou presque. Elle en avait perdu une, gracieusement offerte à la petite souris la semaine précédente.

- C'est quoi ça ?

Sa voix a perdu toute son assurance graveleuse.

- Ça ? C'est une petite fille...
- J'le vois bien ça ! Qu'est ce qu'elle fout là cette photo ?
- Tu la reconnais ? C'est Emilie. Elle avait huit ans quand un petit con de dix-sept ans, ivre en plein après-midi, l'a renversée et a pris la fuite en la laissant crever au bord de la route... Mais comme il était mineur, il s'en est tiré avec un coup de règle sur les doigts. Ça te rappelle quelque chose Anthony ?

- Qui t'es ?! Qu'est ce que tu veux ?

La panique, elle arrivait, envahissait sa voix, étranglait ses cordes vocales comme un serpent. Sophie glissa la main gauche dans le vide poche de sa portière tout en freinant et en arrêtant la voiture et pointa un revolver sur le jeune homme :

- Juste rééquilibrer la balance Anthony... Oeil pour oeil...

Deux coups de feu, deux éclairs lumineux dans la nuit. Deux fleurs rouges s'épanouissant sur la poitrine.

- Dent pour dent...

Elle ouvrit la portière et fit rouler le cadavre hors de la voiture, l'abandonnant au milieu de nul part. Un coup d'oeil à sa montre : 3h15. Elle avait encore le temps...



Quelques heures plus tard, à soixante-quinze kilomètres de là, une voiture s'arrête sur une route déserte à coté d'un homme passablement éméché :

- Besoin d'un taxi beau gosse ?

2 Response to "L'ouroboros du soir"

  1. Anonyme Says:
    31 juillet, 2008 20:08

    il est où l'ouroboros?

  2. Med says:
    01 août, 2008 11:58

    L'ouroboros, symbolisé par un serpent ou un dragon se mangeant la queue, représente aussi les cycles infinis et sans fin, la répétition ad vitam.

    Avec cette explication, cher anonyme, vous devriez trouver l'ouroboros du texte ;)