Rêves...

C'est l'histoire d'un petit garçon rêveur... Et comme tous les rêveurs, il était toujours en train de se promener dans son imagination. C'est grand une imagination, on peut même dire que ça n'a aucune limite. Comme un grand champ qui s'étend à perte de vue. Un champ au blé doré où les épis dansent à l'unisson sous une brise chaude et un soleil cajoleur. Et derrière chaque épi, un rêve, un monde, une aventure.


Il adorait se promener dans ce champ ce petit garçon. Il lui suffisait de fermer les yeux et il se retrouvait à courir à travers les épis, riant, vivant. Parfois, il n'avait même pas besoin de fermer les yeux, il lui suffisait de regarder le monde gris et de le décorer à sa manière. La vendeuse de glace sur la plage devenait une princesse sans royaume qu'il fallait secourir, le policier en train de verbaliser se paraît d'une armure et faisait des moulinets avec son épée-parcmètre et la vieille dame qui promenait son teckel se transformait en sorcière tenant un cerbère en laisse...
Et lui, ce petit garçon... Aaaah, lui, il devenait beaucoup de choses. Un héros qui secourait la veuve et l'orphelin, un ange qui pleurait sa famille ou encore un être différent des autres, en marge, mais qui avait une connaissance du monde autre que les gens normaux.


Il adorait rêver ce petit garçon, du soir au matin et de l'aube au crépuscule. Mais un jour, il a eu peur. C'est beaux les rêves, ce sont des étoiles dans des yeux de gosse. Mais ce n'est pas la réalité. Et à toujours se laisser emporter par la vague dorée de ses rêves, la peur l'a étreint. Ils étaient si doux ses rêves... Pourrait-il toujours en revenir ? Ne serait-ce pas trop tentant de fuir ce monde morne et triste pour courir à tout jamais parmi les caresses du blé ?


Alors il s'est assis, à cheval entre le trottoir et le champ doré, et il a réfléchit. Il devait choisir ! Le monde gris mais réel, ou bien le monde chatoyant mais imaginaire ? Dilemme... Aucune des deux solutions ne lui paraissait être la bonne. Choisir entre le noir ou le blanc n'est pas simple, surtout pour un petit garçon. Ce sont les grandes personnes qui prennent des décisions. Les petits garçons, ça n'a pas l'âge de s'occuper de ça.

Pourtant il savait qu'il devait en prendre une lui. C'est beaux les rêves, mais y vivre c'est dangereux. Le passage entre les deux mondes était comme un long corridor et il devenait de plus en plus difficile de laisser la porte ouverte entre les deux, pour pouvoir toujours revenir du monde imaginaire jusque dans le monde réel.


Alors il fallait grandir. Et choisir. Choisir, c'est être une grande personne. Et on ne peut pas toujours rester un petit garçon, n'est-ce pas ?


Mais alors, le petit garçon se posa une question : qui avait décidé ça ? Etait-ce un adulte qui avait décidé qu'un petit garçon ne pouvait pas le rester éternellement ? Etait-ce une grande personne qui avait décrété que le champ de blé et le monde réel ne pouvait pas coexister ?


Le petit garçon prit le temps de la réflexion. On ne réfléchit pas à des questions comme ça à la va-vite, non non ! Même un petit garçon sait ça ! Alors, toujours assis à cheval entre ses mondes, il regarda alternativement l'un et l'autre. Et il se dit que ce serait idiot de séparer les deux.


Il décida donc de se lever et demanda à un ange qui passait par là – dans le champ de blé évidemment, les anges n'apparaissent pas comme ça dans le monde réel, tout le monde sait ça – de lui prêter une plume. L'ange, gentiment, retira délicatement une plume de ses ailes et la tendit au petit garçon qui la prit avec un sourire de remerciement.


Et alors avec sa petite plume, il commença à dessiner ses rêves dans le monde réel. Il forma des mots qui explosait comme des bulles de savon en donnant vie à ses rêves. Et la première chose qu'il fit, et qu'il garda pour lui pendant longtemps, ce fut de faire disparaître la porte entre les deux mondes en la raturant et en dessinant entre les deux un escalator, pour passer encore plus vite de l'un à l'autre !


Le petit garçon avait décidé que ses rêves surgiraient dans le monde réel, non ! Que ses rêves seraient le monde réel ! Il suffisait de prendre soin de bien les écrire et ils prenaient vie. Oui, tout ça, c'était dans son imagination bien sûr, il le savait ! Mais son imagination, c'était le monde, il n'y avait plus aucune frontière entre les deux... C'était comme si son champ de blé, celui qui s'étendait à perte de vue, avait encore grandi un peu plus et s'était propagé dans le vrai monde gris, mélangeant ses couleurs à celles de tous les jours.



Et pour se souvenir de cette décision, le petit garçon entreprit de faire un dessin sur lui même, pour toujours se rappeller que les rêves, ça fait tourner le monde si on sait bien s'y prendre. Tout du moins son monde à lui, et le monde des quelques personnes qui se laissent emporter dans le flot de gerbes de blé.


Le petit garçon a bien grandi depuis. Mais il se souvient quand il se caresse la nuque, de sa promesse de toujours continuer à rêver. Un peu comme Peter Pan qui refuse de grandir, lui, il refuse de stopper ses rêves.




Yume : Le rêve