Les yeux azurs (II)

Tout était entièrement blanc. La lumière était vive, artificielle et me faisait mal aux yeux. Je plissais les yeux le temps de m'habituer à la lumière.

- Appelez le docteur, il se réveille...

Je tournais la tête en direction de la voix et découvrais le décor autour de moi. Une chambre d'hôpital. La femme qui venait de parler était une infirmière. Elle me sourit et me dit :

- Ne vous inquiétez pas, le médecin arrive...

J'étais si fatigué que je n'avais pas la force de répondre. Je repris ma contemplation du plafond en soupirant. Les souvenirs de l'accident me revenaient petit à petit en mémoire. Les cris, le bruit, la peur... Je tentais de les tenir écartés de moi, je commençais à entendre de nouveau tout ce qui s'était passé un peu plus tôt.


Le docteur vint à ma rescousse et me permit de me concentrer sur autre chose. Il entra dans la chambre, suivit d'une jeune femme ravissante si ce n'est les cernes qu'elle avait sous les yeux.

- Sophie ! dis-je, soulagé de voir un visage connu.

Le docteur ne lui laissa pas le temps de parler :

- Comment vous sentez-vous ? Savez-vous où vous êtes ?

Il tint mes paupières ouvertes le temps d'y jeter un coup de lampe torche.

- A l'hôpital je suppose...
- Pouvez-vous me dire votre prénom ?
- Benjamin...

Le médecin se redressa, surpris. Je le vis regarder Sophie du coin de l'oeil. Je me rendis alors compte que je n'avais pas donné le bon prénom.

- Désolé, je voulais dire Johan... Je ne sais pas pourquoi j'ai dit Benjamin...
- Ce n'est rien, après ce qui vous est arrivé une légère confusion est toute à fait compréhensible et normale...
- Qu'est ce qui s'est passé ?

Sophie s'assit sur le bord du lit. Je cherchais sa main et la serrai, heureux de retrouver ma petite amie.

- Un accident de métro c'est ça ? Les wagons ont déraillé ?
- Oui Johan, répondit-elle. Mais ce n'était pas un accident... Il y a eu un tremblement de terre... Ton métro a déraillé...
- Un tremblement de terre ? A Paris ?
- Oui...
- Merde...
- Vous avez très chanceux jeune homme... Très très chanceux...

Il y avait quelque chose d'étrange dans sa voix... et dans son regard posé sur moi.

- Il y a eu beaucoup de blessés ?

Je vis le médecin regarder Sophie sans répondre. Elle serra ma main plus fort.

- Johan... Tu es le seul survivant...
- ... Merde...

Je reposais ma tête contre l'oreiller... Le seul survivant sur la centaine de personnes présentes dans le métro ?

- Les secours ont mis plusieurs heures à atteindre les décombres, une partie du tunnel s'est effondré sur la carcasse du métro. Ils ont mis plus de dix heures à accéder à la rame et à t'en extraire. Tu es resté inconscient depuis.
- Combien de temps ?
- Sept jours...
- Merde...

A croire que ma vie allait se résumer à un enchainement de « merde » pour les prochaines heures. J'avais l'impression de ne pouvoir dire que ça...

- Tu as vraiment eu de la chance mon chéri...
- Je ne sais pas si on peut parler de chance ou de miracle divin l'interrompit le médecin.
- Comment ça ?

Il poussa un long soupir.

- Jeune homme, vous avez été pris dans une catastrophe de grande ampleur, vous êtes restés de très longues heures inconscient parmi les décombres, tous les autres passagers sont décédés... Mais vous...

Je n'aimais vraiment pas le ton de sa voix.

- Moi quoi ?

Il y avait plus de hargne dans mes propos que je ne l'aurais voulu mais quelque chose chez ce médecin me tapait sur le système.

- Regardez-vous jeune homme...

Je baissai les yeux sur mon corps alité. Mes bras semblaient aller bien, je soulevai la couverture. Rien aux jambes ni au ventre...

- J'ai l'air d'aller bien, non ?
- Justement... Vous avez survécu à un horrible accident... Et vous n'avez pas une égratignure.

Je réalisai alors qu'il disait vrai. Je n'avais pas un bleu, pas une fracture, pas même une éraflure...

- Pas une seule, rajouta le médecin, visiblement dépité.

- Merde...





à suivre...

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