NY Sin - Cinquième Partie

Le temps d’arriver sur le lieu du rendez-vous et une véritable tempête de neige s’attaquait à New York. Je garais ma voiture à quelques rues du lieu où je trouverai mon tueur à gages. Je rentrais ma tête dans mes épaules, tentant vainement de me protéger du souffle glacé qui me frappait de face, comme pour m’empêcher d’aller là où je voulais aller. Hors de question de rebrousser chemin…

J’arrivais à la ruelle indiquée par le Don. Mal éclairée, envahie par des ordures et des clodos… Le lieu typique pour vous faire piquer votre portefeuille… Et aussi pour vous faire égorger, pour peu que vous soyez du genre à vous rebeller contre vos détrousseurs… Au fond de la ruelle, une porte en bois, rongée en certains endroits par l’humidité et le temps…

Je m’avançais dans la ruelle sous les bourrasques de neige qui parvenaient à s’infiltrer entre les deux bâtiments qui faisaient de cette ruelle une gorge inquiétante. Le Don m’avait dit de frapper deux coups sur la porte, d’attendre une seconde et d’ensuite retaper trois fois… Le code de la mafia que reconnaîtrait Bloody Silver. Il viendrait alors m’ouvrir…

Ma main droite se resserra sur le revolver que j’avais dans la poche de mon blouson et mon poing gauche se leva pour frapper à la porte… Mais un mauvais pressentiment m’étreignit, comme une main glacée qui serait venue caresser ma nuque…

J’avais failli faire une erreur, et oublier une règle importante du jeu de cartes préféré de l’américain moyen. Au poker, il est de coutume de savoir bluffer… Et si cette raclure de Don m’avait bluffé ? Si tout ça n’était qu’un foutu piège ?

Un raclement de gorge à ma droite attira mon attention. Un clodo, une outre pleine de vin remuait dans ses cartons, cherchant sûrement la position la plus confortable pour dormir… Je me dirigeais vers lui et le réveillais en le tapotant du bout de ma chaussure. Il me jeta un regard éteint et entrouvrit la bouche, révélant une belle collection de dents pourries jusqu’à la racine. Je me baissais vers lui et lui murmurait à l’oreille :

- Ça te dirait de gagner cinquante billets mon vieux ?



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TOC TOC

TOC TOC TOC

Deux secondes de silence. Et ce fut ensuite un vacarme d’une violence inouïe. La porte en bois éclata comme si un géant l’avait enfoncé du pied, des échardes de bois volèrent dans tous les sens… Des langues de feu apparaissaient parfois entre les morceaux de bois qui traversaient les airs… Puis d’un coup, les armes à feu se turent. Deux hommes apparurent sur le seuil de la porte, costume taillé sur mesure, chaussures cirées… Chacun tenait un pistolet mitrailleur, le genre de trucs capable de vous cracher une centaine de balles en quelques secondes. Derrière eux venait un homme que je ne connaissais que trop bien… Ce foutu Don était là, un sourire vainqueur sur le visage… Il jeta un regard derrière lui, à un homme qui le suivait lentement. Albinos, des cheveux longs, un imperméable de cuir dans lequel il se tenait voûté, des gants de la même matière protégeant des doigts qui s’agitaient dans le vide, comme s’il mourait d’envie d’étrangler quelqu’un : Bloody Silver, sans nul doute…

La voix du Don perça la nuit :

- Je crois que cette petite merde a eu son compte… dit-il en contemplant la silhouette sans vie qui se tenait à deux mètres sur lui, gisant face contre terre, un amas de détritus de bois sur le dos. Il est maintenant parti rejoindre sa bien aimée… Tout s’est déroulé comme prévu mon cher O’Connely…
- N’utilisez pas mon nom, répondit l’albinos d’une voix rocailleuse et posée.
- Allons, allons, vous ne craignez tout de même pas qu’il vous entende ?

Et le Don partit d’un rire gras, à mi chemin entre le hennissement et la quinte de toux d’un asthmatique.

- Votre plan s’est déroulé comme prévu Don Matti. Je pense qu’il est temps que je reçoive l’autre moitié du versement.
- Oh oui, bien évidemment… Ah ces Irlandais, toujours aussi suspicieux ! rajouta-t-il dans une nouvelle quinte de rire. Vous aurez votre argent dans quelques minutes, laissez moi donc apprécier ce moment ! Je l’ai attendu pendant trois longues années. Ce fils de pute m’a trahi, et m’a fait foutre en cabane pendant trois ans… On ne s’attaque pas à Don Matti sans risque…
- Cela ne me regarde pas… Mais pourquoi m’avoir demandé de tuer sa femme ? J’aurais pu simplement l’abattre lui…
- Trop simple, mon cher ami, beaucoup trop simple. Je voulais qu’il ressente cette perte, je voulais qu’il souffre autrement que physiquement avant de mourir. Sentir ce vide en lui, savoir qu’il avait perdu ce qu’il avait de plus cher… Oooooh, O’Connely, vous l’auriez vu dans la voiture hier… Il a fait tout ce que j’avais prévu. Quel abruti, avec sa mine pathétique de paumé… Bien évidemment qu’il allait venir me voir dès qu’il aurait compris que Bloody Silver avait liquidé sa petite femme… Et bien évidemment que j’allais lui donner les informations qu’il voulait… Oh, avec un petit oubli… C’est que c’est MOI et moi seul qui avais ordonné à Bloody Silver de buter sa petite pouffe de femme…

Le Don s’avança dans la neige, bousculant les deux gorilles, et s’approcha du cadavre qu’il roua de coups de pieds :

- Hein connard ? Trois ans, j’ai attendu ce moment ! Trois ans où j’ai attendu pour enfin te voir crever devant moi… Trois ans pendant lesquels j’ai eu le plaisir de penser à cette petite farce… Un joli cadeau pour le jour de ma sortie… Haha ! Alors, l’as de pique a perdu face au roi de trèfle ? Alors, ça fait quoi d’être mort et d’avoir paumé sur toute la ligne ?
- Ça chatouille…

Don eut à peine le temps de se retourner que deux coups de feu éclataient, éclairs lumineux qui strièrent les bourrasques de neige. Une demi seconde plus tard, les deux gorilles s’effondraient, une balle dans la tête de chacun. Le sang se mêla à la neige, teintant des auréoles rougeâtres autour de leur tête…
Le sang… As de carreau… Le carré était bientôt complet…

- Gardez les mains bien en vue tous les deux…

Quel plaisir jouissif de voir le regard terrorisé du Don en me voyant apparaître, visage fantomatique surgissant des ombres de la ruelle. Il jeta un œil vers le cadavre du clochard que j’avais payé pour aller frapper à la porte à ma place…

- Un joli coup de bluff, Matti. J’ai failli me laisser prendre… Dommage pour le vieux clodo. Mais cette diversion m’aura au moins permis d’apprendre la vérité sur tout ça…

Mes yeux ne devaient plus être que deux abysses de haine pure, abysses dont les ténèbres étaient faites de détermination. Je savais ce qu’il me restait à faire… Pas de choix, pas de doute, il n’y avait plus qu’une route à suivre.

- Monsieur O’Connelly… Veuillez-vous mettre à genoux.
- Ecoute, va pas faire une connerie, je…
- Ta gueule…

Je n’avais pas élevé la voix, ne laissant aucune émotion transparaître. Mais le tueur avait compris à mon intonation que rien ne pouvait plus m’arrêter… Je suis persuadé d’avoir lu dans son regard, la compréhension… Le chasseur avait tué sa proie… Mais cette fois, la proie tuerait le chasseur…

- C’est la loi, dit Bloody Silver… Seuls les plus forts survivent…

Je plaquais mon arme contre son front :

- Et nous n’en faisons pas partie…

Mon doigt pressa la gâchette, sans hésitation, sans doute. Le projectile traversa le crâne de l’Irlandais, le traversant de part en part, la flamme expulsée par le canon de mon arme lécha la peau de l’homme quasiment en même temps que la balle, brûlant les chairs. Il s’effondra, sans vie. Il n’avait même pas entendu le coup de feu, la balle l’ayant tué avant.

Le Don poussa un petit cri plaintif… Il tremblait de tous ses membres. Contrairement à Bloody Silver, il ne semblait pas accepter la mort imminente avec détachement.

Je sortis de ma poche les deux balles en argent que Don avait voulu que je trouve, pour pouvoir tomber dans son piège.

- Deux balles Don…

J’expulsais le chargeur de mon arme et retirais toutes les balles… Je glissais à la place la balle en argent. Je remis le chargeur en place et armais le revolver.

- Non, non, non, gémissait le Don.

Je tendis le bras et pointait mon arme sur son cœur.

- C’est là que votre tueur a tiré pour tuer ma femme. Il lui a collé deux balles en plein cœur. Vous, vous n’aurez droit qu’à une balle, toute aussi mortelle. Cette balle en argent qui devait au final m’amener à la mort... C’est d’abord vous qu’elle emmènera.
- Pitié… Je…
- Savez-vous qu’une figure ne peut vaincre un as ? L’as est toujours plus fort que le valet, la dame ou le roi… Mais beaucoup de cartes peuvent vaincre un as… Un dix de trèfle par exemple… Un as, même de cœur, face à un dix n’est rien qu’un simple un, fragile et sans défense…
- Arrête… Je t’en prie…
- Et vous Don, vous n’êtes pas un roi de trèfle… Je vous ai sous-estimé… Là a été mon erreur…
- Au nom du Seigneur…
- As de pique… a vaincu dix de trèfle… et affronte as de trèfle…

La détonation salvatrice fut comme un chant divin pour moi… Le Don eut un court spasme et s’écroula au sol… Le sang s’écoulait abondamment sur la neige, colorant les cristaux, souillant la blancheur immaculée. Je regardais ma main qui tenait encore la seconde balle en argent… Levant la tête, j’admirais la neige tomber… Quel drôle de tableau cela devait représenter, un homme debout et qui regarde le ciel, une arme à la main, quatre cadavres encore chaud à ses pieds, sur un fond blanc teinté de rouge… l’As de pique qui a vengé l’as de cœur en faisant couler l’as de carreau et en abattant l’as de trèfle…

Cela aurait réellement fait un beau tableau…

2 Response to "NY Sin - Cinquième Partie"

  1. Med says:
    10 décembre, 2005 16:14

    Je n'ai QUE deux mois de retard :p

    Merci à ceux qui ont réclamé la suite...

    Le chapitre final attend bien au chaud... Faisons durer le suspens (moins de deux mois cette fois)

  2. Anonyme Says:
    20 décembre, 2005 00:24

    Y a intéret, a ce que ca soit dans moins de deux mois :D