Monotonie

Je sors un pied de mon lit. Quitter la tiédeur de ma couette pour la froideur de ce parquet. Toujours ce même grincement, sur la troisième latte en partant du lit. Je me lève, l’esprit embrumé par le sommeil. Pourtant cette question me revient toujours en tête, inlassable écho qui se répercute chaque matin sur les parois de mon esprit.

« Une chose brisera-t-elle la monotonie de cette journée ? »

Frissonant, je sors de ma chambre et me dirige d’un pas hésitant vers ma cuisine. La table, déjà préparée par Madame, me tend les bras… Contrairement à Madame, déjà partie au travail. Les tartines de pain déjà coupées et prêtes à être grillées dans ce grille-pain, toujours placé au même endroit : à dix centimètres à droite des tartines, parallèle au couteau à beurre placé lui-même à quatre centimètres de mon bol de café. Café dont la température avoisine les dix degrés. Se gratter le crâne… Ne pas sentir ces petites excroissances sur le front.

Passer le café au micro-onde, beurrer les tartines fraichement ejectées du grille-pain -cuisson niveau trois, sinon les tartines ne sont pas agréablement grillées- , mâcher les tartines d’un air peu enjoué tandis que la radio déverse son flot nauséeux de catastrophes naturelles, de guerres inhumaines et de procès inintéressants. Se retenir de ne pas tout balancer par la fenêtre. Se retenir de ne pas tout brûler.

Toujours se retenir. Ne pas donner une mauvaise image à la voisine de pallier. Il serait dommage que le grille pain quitte ses dix centimètres reglementaires pour rejoindre le visage de la vieille acariâtre d’à coté. Et puis, il ne serait pas à dix centimètres de son visage. Ça le perturberait sûrement.

Finir à moitié le petit-déjeuner, se rincer le visage en vitesse, s’habiller pour être un tant soit peu presentable au travail. Ne jamais donner une mauvaise image. Toujours faire attention. Mettre un peu de parfum pour cacher l’odeur de souffre.

Claquer la porte, sinon elle ne ferme pas bien. Deux tours de verrou, un tour de clé et prendre l’ascenseur. Appuyer sur le bouton du rez-de-chaussée. Attendre les cinquante-huit secondes reglementaires que l’ascenseur arrive au rez de chaussée. Affiner son bouc avec ses doigts pour qu’il soit fin au bout.

Sortir dans la rue. Humer l’air pollué de la ville. Se diriger vers la bouche de métro, confirmant ainsi l’adage populaire « Métro, boulot, dodo ».

Un cri.
Voilà qui sort de l’ordinaire.
Une vieille femme qui me pointe du doigt, les lèvres tremblantes.
Aurais-je quelque chose sur le visage ?
« - Là ! Là ! Le… le…di… Le Diable ! »
Oh ? Moi ? Le diable ? Pourquoi pense-t-elle ça ? Oh quel idiot… J’ai oublié de mettre un chapeau… Evidemment, des cornes rouges sur un front, ça ne passe pas inaperçu. Allons allons, vieille femme, cesse donc de crier ! Laisse moi te briser la nuque pour avoir vu ce que tu as vu.

Finalement… Ça a quelque chose de bon d’être étourdi parfois. Ça brise la monotonie de la semaine. Bon, ça brise aussi le cou des vieilles dames…

7 Response to "Monotonie"

  1. Anonyme Says:
    05 juin, 2005 15:49

    La monotonie n'est qu'une création de l'esprit. C'est la hantise et le désir de l'homme de laisser une trace indélébile de son éphémère passage sur cette terre qui lui donnent naissance.

  2. Med says:
    05 juin, 2005 18:39

    Hmmm... Je pense que tes deux phrases ne vont pas ensemble mon (ma) cher(e) Minio :)

    Je ne vois pas en quoi le désir de l'homme de laisser une trace de son passage va mener à la monotonie o_O

  3. Anonyme Says:
    05 juin, 2005 19:19

    l'homme veux, à petite ou grande échelle, laisser une trace de son passage. Ca peut etre en faisant de grandes choses, je pense notamment aux révolutionnaires, au scientifiques ou aux hommes politiques pour ne citer qu'eux, ou en faisant de petites choses, à l'échelle de notre propre vie par exemple. Je crois que le désir de briser la soit disant monotonie de notre vie est une déformation de ce désir de laisser une trace de notre passage en ce monde, en essayant de la rendre plus interressante que les autres ou en essayant de la rendre plus utile.
    Je ne sais pas si tu arrives à saisir ce que je veux dire, ca fait bien longtemps que je n'ai pas exprimé par écris mes réflexion... :) je ne dois pas être très clair.

  4. Anonyme Says:
    05 juin, 2005 20:01

    Et ben j'aime bien ;)

    Garde précieusement ce commentaire, tu n'en auras pas souvent des comme ça :D

  5. Med says:
    06 juin, 2005 01:05

    @ Minio : Ben tu sais, moi j'ai écrit ce texte pour faire le devoir de français de ma cousine :) Donc la réflexion intra-humaniste, elle m'est passée au dessus de la tête ^^

    @ Flo : Seigneur tout puissant... Un compliment... Bouge pas, j'encadre ! Ca fera classe dans mon salon. Pis ça vaut des sous !

    Merci quand même ;)

  6. Anonyme Says:
    06 juin, 2005 12:24

    dommage...

  7. Anonyme Says:
    11 mai, 2007 10:07

    Mdr c'est sympa... :)