Le baiser...

Il court... Il court à en perdre haleine, il court, bondit, vole et virevolte, tel un cabri dopé aux amphétamines, il esquive badauds, touristes, grands-mères tremblotantes et enfants en train de jouer... Pourquoi tremble-t-il ainsi ? L'effort qu'il demande à ses muscles ? La peur de se faire renverser par une auto ?

Ou bien ses propres mots ? Ceux qu'il a prononcé il y a moins de dix minutes, ces mots qui ont blessés celle qu'il ne voulait pas blesser, ces paroles qui ont brisé un coeur qu'il veut choyer, ces inepties qui ont fait verser des larmes à de si beaux yeux...

Oh oui... S'il tremble, c'est bien à cause de ses propres mots. Ces mots qui ont éloigné son bonheur, ce bonheur qui est parti en courant le long des quais de la Seine, ne laissant que quelques gouttes voleter derrière lui, dernière preuve de son idiotie à lui.

"Je ne peux pas t'aimer..."

Quel c...

"Je ne te mérite pas. Je ne suis qu'un pauvre artiste parisien sans le sou... "

Et toi la fille d'un riche négociant... Mais pourquoi a-t-il été lui dire ça ? Alors qu'il est fou amoureux d'elle ! Pourquoi l'avoir fait souffrir ? Pourquoi avoir été méchant ?

"Va-t-en ! Tu n'as rien à faire avec moi !"

Et elle était partie... Comme il l'avait voulu. La faire souffrir sur le moment, pour lui éviter tous ces regards biaisés que les gens leur lancaient... Ces regards qui voulaient dire "Oh, une jeune fille de bonne famille, avec un tel... énergumène ? Quel gachis !"

Il ne voulait pas la rendre triste... Alors... Il l'avait rendu triste. Il sait bien que c'est paradoxal, que c'est même complêtement idiot, mais un amoureux, c'est toujours un peu étrange, hagard, toujours dans la lune, à faire n'importe quoi pour celle qu'il aime... non ?

C'est surtout très con un amoureux...

Il s'en est rendu compte quand il l'a vue partir en courant, le fuyant. Et ça fait mal de voir celle que vous aimez vous fuir... Alors il avait fermé les yeux, très forts, jusqu'à voir des étoiles, jusqu'à ce que les tâches de lumières remplacent ce dos qui partait au loin et les rayons du soleil qui, à travers les gouttes de ses larmes, semblaient l'éblouir.

Il s'est adossé à un muret et a regardé la Seine, les larmes pointant le bout de leur frimousse au bord de ses yeux, quand une petite vieille dame est venu à sa rencontre... en lui donnant un coup de sac à main. Surpris, et l'épaule légèrement douloureuse, il a regardé la dame avec des yeux grands ouverts. Elle, elle le regardait, son chapeau en forme de vautour vissé sur le crâne, sa veste aux fines coutures et son animal mort autour du cou. Bourgeoise, aisée, d'un autre monde que le sien, voilà ce qu'il se disait. Encore une femme qui allait le traiter de bon à rien, de fainéant et de lie de l'humanité... Elle a ouvert la bouche et a commencé à vociférer :

"Bougre d'andouille !"

Pas de lie de l'humanité ?

"On ne fait pas pleurer une dame ! Non mais qu'est-ce qu'il vous prend ? Vous n'avez pas honte !"

Surpris tout d'abord, il a finalement poussé un soupir.

"Je l'ai fait pleuré parce que je l'aime, madame... Et parce que je suis amoureux d'elle, je ne veux pas qu'elle souffre."
"Et d'être loin de vous, ça a l'air de lui faire plaisir !

*Coup de sac à main*

"Aïe !"
"Qu'est-ce que vous attendez ?! Allez la rattraper et allez vous excuser !"

La rattraper ? S'excuser ? Mais il en meurt d'envie !

"Vous êtes amoureux ! J'ai soixante-seize ans jeune homme, et je sais reconnaitre un homme amoureux ! Alors courez donc après cette demoiselle, et si vous voulez vraiment éviter qu'elle souffre, embrassez-la !"

L'embrasser ? Oui ! Il en meurt d'envie !! Quel idiot ! Il ne peut pas se passer d'elle !

"Je... Je..."

Il regarde la petite vieille dame qui lui sourit, d'un sourire jauni par quelques décennies de nicotine, mais un sourire tellement profond, tellement humain, qu'il en sourit lui aussi.

*Nouveau coup de sac à main*

"Pas de "je... je" qui tienne jeune homme ! Allez ! Ouste ! Hors de ma vue !"

Il rit et l'embrasse sur les deux joues ! La seconde suivante, il commence sa folle course. Sur les trottoirs, il s'élance entre la foule de ce samedi après-midi. Il court le long des Quais de Seine, en espérant la rattraper, la rattraper, lui avouer, lui dire, l'embrasser, l'aimer ! Il court, il virevolte et il a peur ! Son coeur bat comme un tambourin de fanfare parce qu'il a peur d'avoir commis l'irréparable et de ne pas la retrouver dans la foule !

Là !! Elle s'approche du café !

Il traverse la rue sans prêter attention aux autos qui manquent de le renverser, il la rattrape devant le café, se précipité à ses côtés et la regarde droit dans les yeux. Surprise, elle lui jette un regard surpris et rougi... Il est là, essouflé et il la regarde. Et il l'embrasse, de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa volonté de pauvre petit peintre sans le sou...

Envolés sur leur nuage, ils n'entendirent même pas le léger déclic de l'appareil photo non loin d'eux...

Ce moment, ils n'étaient pas près de l'oublier... Mais ce dont ils ne se doutaient pas, c'est que ce moment ferait le tour du monde...




11 Response to "Le baiser..."

  1. Med says:
    04 juin, 2005 02:15

    C'est gnan gnan, c'est guimauve, c'est mal écrit, mais je m'en fous, c'était juste pour la photo :D

  2. Anonyme Says:
    04 juin, 2005 08:24

    C'est très beau... :)

  3. Anonyme Says:
    04 juin, 2005 10:26

    superbe, Icy...
    ça me donne une bouffée d'optimisme, ce matin !!
    en fait, c'est une nouvelle qui donne envie d'aimer. De courir vers l'amour à en perdre haleine, d'aimer, d'aimer, d'aimer... :)
    Lauren ou Raph, comme tu veux.

  4. Med says:
    04 juin, 2005 10:53

    Ravi que ça vous plaise plus qu'à moi ^^

    Et si ça peut permettre à Lauren de se lever de bonne humeur, c'est farpait :)

  5. Anonyme Says:
    04 juin, 2005 14:36

    Ui c'est gnan gnan, c'est guimauve, c'est mal écrit et on ne voit même pas la photo mais on aime cette photo, c'est vrai :)

  6. Anonyme Says:
    04 juin, 2005 14:52

    Heureusement que mon chéri est là des fois hein... XD

  7. Med says:
    04 juin, 2005 14:54

    Merci à Tommz, maintenant grâce à lui on peut voir la photo :)

    (Nelly, tu sors stp :D)

  8. Anonyme Says:
    04 juin, 2005 22:09

    "Il ne voulait pas la rendre triste... Alors... Il l'avait rendu triste. Il sait bien que c'est paradoxal, que c'est même complêtement idiot, mais un amoureux, c'est toujours un peu étrange, hagard, toujours dans la lune, à faire n'importe quoi pour celle qu'il aime... non ?

    C'est surtout très con un amoureux..."

    souvent meme plus qu'il ne le croit...

  9. Med says:
    04 juin, 2005 22:24

    Entièrement d'accord avec toi Minio ;)

  10. Anonyme Says:
    05 juin, 2005 15:09

    :)

  11. Anonyme Says:
    10 décembre, 2005 14:59

    Moi j'ai aimé, c'est marrant j'ai presque vécu la même hostoire, ça m'a trop ému...

    Mais je trouve que justement, la photo ne colle pas avec ton histoire... Il est trop sûr de lui, plein d'assurance sur ce cliché pour être l'amoureux indécis que tu décris, non ?

    Je penche plutôt pour un amour difficile, très passionnel, elle ne vivant que pour lui, lui n'ayant jamais le temps de lui montrer son amour...

    Je ne sais pas si Doisneau a voulu expimer cette vision un brin sexiste (puisqu'on sait maintenant que rien n'est malheureusement dû au hasard dans cette image)...

    Bravo à toi en tout cas !