Regard d'un soir

Nos yeux se sont croisés, l'espace d'un souffle, le temps d'un rien...
Et la trotteuse de la pendule s'est stoppée dans son élan mécanique. La respiration s'arrête, le pas se fige et les secondes se suspendent dans l'air du moment.


Nous nous regardons. Et dans ce minuscule laps de temps, tout revient... C'est comme un roulement de tonnerre qui résonne dans l'horizon et qui vient me frapper sans que je m'y attende. Je résonne, je vibre, le fracas fait trembler mes os.


Je ne m'y attendais pas... Pourtant nous nous connaissons si bien. J'aurais dû m'y attendre, tu ne penses pas ?


Le temps se débloque, tout doucement, comme lorsqu'on se sépare d'une amante après l'amour. A regret, la trotteuse cliquète et entre dans une nouvelle seconde.


J'entends le bruit de mes bottes foulant le carrelage. Le bruit sec de la semelle fait echo à ce temps qui reprend ses droits dans un claquement de fouet.


Nos regards se croisent et je me souviens du passé. De ces dernières paroles, de ces mots si durs...


Tu n'as pas voulu comprendre... Tu as fermé les yeux, ta conscience et ton instinct devenant rempart de ce que je t'avais annoncé ce soir là.

Je me suis faché. Tu t'es énervée. Je suis parti.


J'ai compris ta réaction... Je l'ai accepté. Ce n'est pas simple à entendre... J'espère depuis ce jour que tu as pu comprendre. Et là, dans cette infime seconde où nos yeux s'observent tandis que nous nous croisons, je sens que tu réalises. Peut-être est-ce du à ma tenue, que tu vois pour la première fois. Rouge et noir... Un véritable clin d'oeil à Stendhal...


Tandis que nous nous frôlons, tes dernières paroles me reviennent en mémoire.


« Non, je ne suis pas fier de ce que tu es... Ç a me terrifie même... »


Tu as un sourire triste, tu baisses les yeux et tu continues ton chemin.
Je continue le mien, sans chercher à t'arrêter.

La trotteuse reprends ses droits et son chemin, elle aussi. Tous les trois, nous avançons.


Mes bottes résonnent sur le carrelage, en résonnance avec tes talons qui s'éloignent.


Tu m'as vu tel que je suis, tu as vu ce que je suis devenu. Je sais que tu as toujours peur, je sais que tu es toujours fachée.


Mais dans ce demi-sourire teintée de tristesse, je l'ai vu poindre. Un bourgeon, encore minuscule et timide mais qui est la promesse d'une floraison future...

Oui maman, je l'ai vu et je l'ai senti, ce début de fierté.
Ton fils est pompier. Et ça te terrifie.

Mais ce soir, me voyant en uniforme, tu as commencé à réaliser. Et la fierté de mère s'est éveillée pour accompagner cette peur qui te tenaille le soir.


Et ça, c'était la plus belle seconde de ma vie.



Icy
16/09/2007
A Christian et sa maman

1 Response to "Regard d'un soir"

  1. Anonyme Says:
    17 septembre, 2007 08:46

    Magnifique !

    Je t'avoue avoir été très touché en te lisant... tu lis dans mes pensées via msn ?

    Bon, par contre, va falloir expliquer ça à Maman... ^^

    Merci en tout cas, de ce petit moment d'éomtion très personnel !